A moins de 2 mois des cérémonies du torpillage du Meknès le 24 juillet prochain à Petit-Caux près de Dieppe, nous publions le témoignage de Jean Destouesse, rescapé du Meknès en 1940. Suite à l’appel lancé sur le net et grâce aux renseignements collectés, nous pouvons partager la vie de ce marin de la région bordelaise.
Nous avons découvert qu’un rescapé du Meknès avait légué au fils de sa femme de ménage, un manuscrit retraçant tout son périple lors de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit de Jean-Raoul Destouesse. Matricule 89-922-5. Maître mécanicien à bord du "Pierre Descelier - A.D. 19". Ce dernier résidant en 1940 au 63, rue Montméjean à Bordeaux. Né à Bordeaux en 1904, il épouse Marie Souque en 1929 à Pontonx (landes). Il décède en 1994 à Cestas (33) à l’âge de 90 ans.
Son travail est remarquable pour l’histoire. Dans un cahier d’écolier, il a écrit à la plume ce qu’il a vécu durant ces heures tragiques de 39-40, jusqu'à son retour en décembre 40 auprès des siens. Il a fait également un petit lexique, qui lui permettait de se faire comprendre dans cette Angleterre où il était retenu prisonnier. Il fait mention dans son carnet de l'anniversaire de son fils Jean-Paul qui fête ses 8 ans le 2 octobre 1940.
Nous aurions voulu retrouver sa famille, mais nous n’avons que peu d’indices. Nous savons que le couple résidait rue Anatole France à Cenon (33) à la fin des années 80. Si vous avez des infos : lesoubliesdumeknes@orange.fr
Nous allons au fil du temps, vous faire découvrir la vie de Jean entre 1939 et fin 1940.
(Partie 2)
Déclaration de la guerre le 2 septembre 1939
23 septembre 1939 - C'est à mon tour, au 22e jour de la mobilisation générale de prendre le départ. Je quitte ma famille et après un dur voyage coupé d'arrêts dans Amiens, Arras, Lens, etc… J'arrive à Dunkerque le 24 septembre 1939 au soir. Je couche à l'Hôtel des voyageurs avec un camarade de train, ce qui me permet de me reposer un peu. Aussitôt rentré, après la visite médicale, je suis habillé et dirigé vers la caserne Romarch.
26 septembre 1939 - Je suis dirigé avec d'autres vers l'ouvrage Ouest, où je passe des jours exempts d'ennuis, dans le calme des dunes du bord de la mer. Je fais une promenade à Malo les Bains, abandonné au sable.
3 octobre 1939 - Je suis désigné pour Boulogne, à bord du chalutier escorteur de dragage, "Pierre Desceliers" A.D.19. Départ de Dunkerque vers 18 h 30. Arrêt et couchage à l'hôtel à Calais.
4 octobre 1939 - Arrivée à Boulogne vers les 8 heures du matin. Recherche de la caserne Daumont, Au château et embarquement sur le bord qui sera le mien pendant de longs mois. La première impression n'est pas fameuse ; sur ces petits bateaux où il manque presque de tout, je regretterai bien souvent la tiédeur et le calme de la vie familiale. Pendant ce mois d'octobre excessivement pluvieux, l'aménagement suffira à peine à nous garantir des éléments déchaînés. Et c'est presque aussitôt plusieurs appareillages qui mettront à mal mon estomac inhabitué à ces parties de balançoire.
Mais l'embrayage du moteur laissant à désirer, son démontage entraînera l'arrêt du bateau pour quelques temps. Entre temps, d'autres bateaux étant prêts à prendre la mer, on décidera de la révision complète du moteur qui donnait, lui aussi des signes de fatigue. C'est l'immobilisation jusqu'à la fin décembre qui nous permettra de passer cet hiver si rigoureux à l'abri dans le bassin à flot.
(Partie 3)
4 novembre 1939 - Une permission de faveur de 72 heures coupera agréablement cette période de travaux mécaniques.
9 décembre 1939 - C'est à mon tour de prendre la première permission de détente et je pars le cœur léger passer dix jours parmi les miens. Son effet moral est naturellement excellent, choyé que je suis par tous. Et c'est le retour à bord le 24-12-39.
Janvier 1940 - Et c'est de nouveau le service à la mer pendant presque tout le mois.
Le service est réglé comme il suit à ce moment là : Patrouille de jour, patrouille de nuit et 24 heures de repos. C'est dur et dangereux.
Février 1940 - Toujours le même travail jusqu'au 9 de ce mois, où je bénéficie d'une deuxième permission de faveur de 72 heures. C'est pendant mon absence du bord que se produira un événement de mer assez dramatique.
12 février 1940 - Pendant la nuit, à 11 heures du soir, conséquence de l'état de la mer, de la tempête de neige, de la malchance, le "Pierre Desceliers" s'échoue sur le sable de la plage de Berk. Malgré des moments critiques, il n'y a pas d'accidents à déplorer.
Après plusieurs jours de travaux dans le froid et la neige, à la faveur d'une forte marée, le bateau est retiré de sa mauvaise position et ramené à Boulogne par le remorqueur "Barfleur" de Boulogne. Pendant les manœuvres, le moteur s'est fortement ensablé et dès le retour dans ce port c'est le démontage pour mise en état.
Ces travaux dureront tout le mois de mars et à la fin de celui-ci je prends ma deuxième permission de détente du 26-3-40 au 10-4-40.
(Partie 4)
11 avril 1940 - A mon retour, mon bateau en service et mon nouveau contact avec la mer n'est pas des plus heureux. Tempête. Nous sommes les seuls à ne pas rentrer au port. Notre nouveau commandant (tout récemment embarqué à la place du maître hydrographe Rolland, qui paie ainsi la responsabilité de son échouage à Berk), ne l'ayant pas jugé utile nous essayons tant bien que mal ce coup de tabac. En ville, on colportera même notre perdition un peu prématurément. Notre ancien commandant Rolland paiera d'ailleurs chèrement son déclassement en sautant avec le "Duquesne" sur une mine magnétique. Nous le déplorons sincèrement car c'était un homme très bon qui ne méritait pas cela. Quand au nouveau, après quelques jours de contact nous sommes à même de l'apprécier aussi, comme un homme charmant, doublé d'un excellent marin.
(NDLR) Le « Pierre Desceliers (AD 19) est un dragueur de mines auxiliaire - 2 marins périrent sur le Meknès - Construit aux atelierx Beliard Crighton & C° à Ostende, il est mis en service en 1933 et nommé Pierre Desceliers. Cet harenguier à moteur de 153 tonnes de jauge brute est armé par l’association des propriétaires dieppois de Pêche et d’Armement de Dieppe ou il fait partie des meilleurs bateau de pêche. Réquisitionné en 1939, il est immatriculé AD 19 en tant que dragueur de mines auxiliaire. Le 3 juillet 1940, il est saisi comme beaucoup des navires français dans les ports anglais et en août 1940, il est transformé en patrouilleur auxiliaire britannique. Navire de défense portuaire il se trouve dans le port de Salcombe (Devon) ou lors d’un raid aérien, il est coulé par la Luftwaffe dans la nuit du 13 août 1942. Relevé, il sera jugé irréparable. »
(Partie 5)
Mai 1940 - La guerre va en s'intensifiant en action et il faudra se défendre. Le service devient plus dur. Deux jours entiers à la mer sur trois et cela ne va pas sans une certaine fatigue. C'est du 20 au 22 qu'elle prend le plus de rigueur, conséquence de l'attaque générale sur la Hollande, la Belgique, l'est et le nord de la France. Dans la nuit du 20 au 21, c'est la grande bagarre. On s'en sort sans dommage. La nuit suivante, malgré que nous ayons été épargnés, il n'en sera pas de même de deux bateaux qui sont à nos côtés et qui seront coulés à coups de bombes. Le premier un cargo belge sera assez heureux de pouvoir s'échouer à la côte, tandis que le deuxième le pétrolier français "Ophélie" coulera en flammes à notre droite. Nous partons aussitôt à son secours et recueillerons ainsi 21 hommes de son équipage. Cette nuit-là, deux milles cartouches environ seront brûlées pour nous défendre. Les naufragés sont couverts de mazout. Il y en avait bien une épaisseur de dix centimètres sur la mer. On leur donne nos propres vêtements et les réchauffons dans la cuisine avec du feu et du vin chaud. Cependant le jour se lève et nous assistons à un spectacle qui nous surprend un peu. Des embarcations de tous types et de tous tonnages sortent du port chargés de civils. Que signifie cela… Nous n'en savons rien étant en mer depuis deux jours et deux nuits mais bientôt un petit dragueur nous accoste et embarque nos rescapés. Par lui nous apprenons que l'on évacue Boulogne. On s'en doutait un peu. Il nous laisse tout le pain qu'il a de disponible, nous n'en avions plus, ainsi que l'ordre de rester sur place en attendant de nouvelles instructions. Nous qui pensions rentrer goûter un repos bien gagné après deux nuits très dures, cela ne nous enchante guère. Néanmoins quelques heures plus tard on pourra rentrer mais pas pour nous reposer. Aussitôt à quai, nous faisons nous aussi notre plein de civils notamment les femmes de ceux qui les avaient à Boulogne. Cela ne va pas sans mal car on se cherche et on ne se trouve pas toujours. Nous quittons notre mouillage du bassin Loubet pour celui du Casino. Et là un ordre nouveau nous oblige à débarquer tout ce monde. Notre nouvelle mission sera d'évacuer au dernier moment le personnel de l'aviation. La journée se passe sous les bombes ainsi que la nuit pendant laquelle nous cherchons en vain le sommeil dans les abris du Casino secoués par les explosions toutes proches. Un zinc sera descendu en flammes et mettra un frein à l'audace des aviateurs ennemis.
Partie 6
22 mai 1940 - Attente durant ce jour lugubre ; les bruits les plus fantaisistes circulent, ce qui est certain c'est que l'ennemi est proche et c'est au soir de ce jour que nous recevrons une nouvelle mission en compagnie du "Tarana", les deux derniers du port.
Les tanks approchent de la ville par les routes qui longent la mer. Il va donc falloir bombarder celles-ci sur un signal de l'aviation. Nous prenons position en rade. Pendant le trajet une soupape d'échappement du moteur casse. Il faut la remplacer. Peu d'enthousiasme à descendre en bas alors qu'au-dessus la sarabande a commencé.
La réparation se fait en un temps record et je viens voir de nouveau ce qui se passe sur le pont. Les batteries côtières tournent sans arrêt et leur feu croisé passe au-dessus de nous en grondant. Drôle de musique et explosions au loin. Une vedette lance-torpille est près de nous. Elle nous emprunte notre embarcation et cinq hommes. C'est quelques instants plus tard que nous servirons de cible à un tank caché dans quelque coin. Tout le monde s'affale mais le tir est un peu court, heureusement. Notre chef d'escadrille le "Tarana" nous signale qu'il appareille, l'ordre de tirer ne venant toujours pas et nous restons là, tous seuls, attendant nos hommes pour pouvoir en faire autant car la situation se gâte visiblement et notre position étant vraiment trop mauvaise. Enfin les voilà… Le commandant refoulant son ardeur combative se décide à abandonner la rade pour le large où nous croiserons toute la nuit.
23 mai 1940 - Dans la matinée, de bonne heure, nous revenons devant Boulogne où se trouve aussi un autre chalutier le "Messidor" qui a recueilli dans la nuit l'équipage d'un hydravion en détresse. Un torpilleur est là aussi qui bombarde les routes avoisinant la ville. Nous lui demandons s'il a des ordres pour nous. La réponse est négative. Que faire ? Le commandant nous a dit à tous qu'il ne s'en ira pas avec sa caisse à munitions pleines. L'optimisme est absent. Chacun sent que l'heure est grave pour tous et bien des visages l'expriment. Je descends seul à la machine et je raccourcis la courroie qui entraîne la pompe de cale, j'ai l'impression de faire ainsi quelque chose pour la sécurité générale. L'attente dure, et pèse lourdement sur les esprits. Il faut croire que nous ne sommes pas faits pour la sauvagerie de la guerre car chacun pense dans son égoïsme au salut de sa "peau". Le commandant devait d'ailleurs se rallier à ce point de vue quelques moments plus tard sans que rien ne puisse nous faire prévoir pareil revirement. Les batteries côtières tombées aux mains de l'ennemi sans doute tirent sur nous avec leurs gros calibres. C'est une musique pas très rassurante. Et c'est ce qui déterminera notre commandant à prendre le large. Je pense qu'il n'aura rien regretté de sa décision. Qu'aurions-nous fait avec notre petit 75 contre les 250 au moins des batteries. C'était aller à une mort certaine. Le sort en était jeté, nous sommes partis, sans déshonneur d'ailleurs, les derniers ; le "Messidor" ayant depuis longtemps disparu à l'horizon. Et ce sera la route vers le sud-ouest qui nous amènera dans la nuit en vue de Fécamp.
Partie 7
24 mai 1940 - De bonne heure le matin, nous rentrons au port, puis au bassin à flot, où nous goûterons une détente du corps et de l'esprit, bien gagnée. Là, on sera incertains sur ce que l'on fera de nous. Deux solutions : nous expédier à Cherbourg ou nous garder selon la secrète envie du Lieutenant X commandant en second de la place, pour la défense de la ville. C'est cette dernière qui prévaudra. On fait un abri de sacs de sable à notre 75 ainsi qu'à une de nos mitrailleuses. La deuxième est démontée et placée dans un coin de falaise pour battre la mer et la plage et nous assurons le service ici et là. Notre commandant nous quitte pour aller en mission à Dunkerque avec un groupe de chalutiers belges pour faire le transbordement des troupes entre ce port et l'Angleterre. Il s'en faut de peu que nous fassions partie du voyage mais le bon sens pour une fois aura raison. C'était la place des hommes du bord connaissant bien celui-ci et capables de le conduire de rester, plutôt que d'y mettre des étrangers qui en auraient tout à en apprendre. Donc, pendant deux semaines nous nous partagerons notre veille soit à bord soit à la mitrailleuse mais le secteur est calme et la ville de Fécamp charmante. Nous en profitons le plus possible et les habitants sont excessivement gentils pour nous. Ce sera le séjour idéal pour nous remettre le moral en place. On écrit et on reçoit des lettres. On a de l'argent en poche. La vie est belle jusqu'au 9-6-40.
9 juin 1940 - Il y a eu des bombardements sur le Havre et ailleurs. Les pétroles de Port Jérôme brûlent et la fumée obscurcit le ciel ; on sait par les journaux que l'ennemi force l'allure et dans la nuit, étant de faction à bord, je vois passer interminablement l'artillerie et la troupe anglaise qui rabattent sur le Havre. On sent l'orage qui gronde de nouveau près de nous.
Partie 8
10 juin 1940 - Je remplace des défaillants pour prendre le service à la mitrailleuse, le midi. Des chalutiers sont partis durant la matinée chargés de civils. Nous quittons le bassin à flot pour l'avant du port. C'est le départ assuré, car on défendra mollement, nous voilà donc à deux, loin du bord dans notre encoignure de rochers. Le temps s'écoule lourdement, on n'ose guère penser à ce que l'on pressent et qui ne saurait tarder. Je m’étais assoupi tandis que mon camarade veillait quand des explosions me jettent sur pied. Les tanks sont là, qui tirent sur le port. Des toits s'effondrent par-ci, par-là ; un juste en face de notre bateau dont une glace de la passerelle dégringole.
C'est la panique dans ce qui reste de population civile et malheureusement aussi chez les militaires. Avec les jumelles, je vois que le bateau se remplit comme par enchantement et le moteur lance déjà sa fumée dans la cheminée. Les derniers ordres étaient d'évacuer. On évacue et à quelle allure. Cinq des nôtres ne pourront prendre le bateau, trois coupés du bord par des ponts ouverts, deux en mission à la Poste. On nous siffle ; nous raflons tout ce qui a une valeur dans notre petit poste et courons sur la jetée où le bateau accoste pour nous juste le temps d'embarquer. A bord c'est la cohue la plus complète, 145 personnes à bord d'un chalutier de 30 mètres cela représente un beau chargement. Il y a un petit clapotis et bientôt l'état du bateau se ressent de l'état de la mer. Je couche des enfants dans mon hamac et bien d'autres en font autant. On s'ingénie à caser tout le monde au mieux mais que faire avec si peu de chose. La plupart des personnes âgées passeront la nuit sur le pont. Une nuit bien fraîche. On mouille une partie de cette nuit devant Caen n'étant pas sûrs de notre route. Toujours le compas qui fait des siennes. Au petit jour en route de nouveau et vers 6 heures il se produira à bord un bien triste événement. Une mère mettra au monde un enfant du sexe masculin avec le concours des bonnes volontés présentes.
Quelle tristesse de voir se produire de pareilles choses dans de si tristes circonstances.
Nous demandons une ambulance et un docteur sitôt rentrés à Cherbourg et notre cœur sera bien serré de voir cette mère de quelques heures gravir seule l'échelle raide du poste qui donne accès au port tandis qu'un petit paquet de chiffons passe de mains en mains pour suivre sa maman.
Partie 9
11 juin 1940 - Nous débarquons tout notre monde sur le vapeur de charge "Amiénois" qui appareillera un peu plus tard avec le chargement d'autres bateaux vers un port que l'on croit être Bordeaux. Au revoir à tous, avec leurs remerciements et bon voyage. Dans les jours qui suivent ceux des nôtres qui étaient restés à Cherbourg réussissent à rejoindre le bord par les moyens de locomotion les plus divers. Les raids allemands continuent chaque nuit, mais ici ils sont plus prudents car la D.E.A. s'impose nettement. Cela ne les empêche pas de mouiller des magnétiques qui font des ravages. Pas de lettres à part celles qui n'ont pu parvenir à Boulogne et qui sont restées ici.
17 juin 1940 - Le soir de ce jour notre commandant en second mu par un sentiment inexplicable décide d'appareiller de Cherbourg pour un autre plus au sud. On fait route, mais le mécontentement est général, personne ne voulant s'associer de sang-froid à une fuite qui n'exclut pas les risques. Devant la réprobation générale il finit par se rendre à nos raisons ; nous faisons donc demi-tour et rentrons à Cherbourg tard dans la nuit.
Partie 10
18 juin 1940 - Les bombardements ont augmenté d'intensité et l'on fait sauter les ouvrages du port pendant que l'évacuation se prépare. On nous prévient d'avoir à nous tenir prêts à appareiller une fois de plus et, vers 11 heures c'est officiellement vers Porstmouth que se dirige une multitude de bateaux de tous tonnages. Arrivée à Porstmouth dans la nuit et mouillage.
19 juin 1940 - Nous appareillons de nouveau vers la dernière destination de notre "Desceliers" c'est vers 13 heures l'amarrage à Southampton. La première nuit passée dans cette ville n'est pas heureuse. Bombardements et incendie d'un dépôt de munitions situé juste en face de nous. Une formidable gerbe de feu clôture le tout.
Nous restons toujours à bord. On nous fournit des vivres en quantité restreinte mais cela peut aller le secteur devenant calme. Je visite la ville avec les camarades ; notre ignorance de la langue anglaise et le manque de "money" font que nous n'y trouverons pas grand relief. J'écris une carte, puis une lettre espérant qu'elles arriveront. Rien n'est moins sûr d'ailleurs. Nous touchons un acompte sur notre solde : 2 livres.
Partie 11
3 juillet 1940 - Réveil à 5 heures du matin. On nous prévient que nous allons quitter nos bateaux et être dirigés vers des camps où l'on nous amène dans les autobus à l'impériale. Là nous sommes bien reçus, mais nourris à l'anglaise et couchant sur le plancher d'une salle avec une couverture. On passe le temps en jouant au football ou aux cartes. Au sujet de la nourriture il faut que je note que le 26 juin nous avons bu à bord notre dernier quart de "pinard" et combien l'eau nous paraît fade. Le thé est bien meilleur mais l'on ne nous en donne que deux fois par jour. Nous avons la visite d'un officier de Marine qui nous propose de continuer la guerre avec la Légion Française.
Peu de candidats. Chacun pense plutôt à revenir parmi les siens. Le nom de la petite ville où nous sommes est Totton et le bâtiment est une "School". Ecole.
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La suite prochainement